"L'Art est une blessure qui devient lumière "André Verdet, écrits sur l'Art,1954,"la peinture et nous"
Georges Braque, voici une première oeuvre présentée," la maison sur la colline" est de sa période pré-cubiste, 1908/1909, à Bâle aujourd'hui, la deuxième plus tardive est une de celles que je préfère car elle signe sa fidélité au cubisme avec un reste de fauvisme, "Nature morte brune", 1932, couleur et forme, équilibre et harmonie réunis .
J'en ai aimé d'autres bien-sûr, d'ailleurs j'avoue que j'aurais aimé rester des heures devant certaines depuis si longtemps admirées, la visite d'une exposition est toujours trop courte et déchirante pour moi, comme pour les autres, je le suppose, quand on a la chance d'avoir devant ses yeux des toiles de cette importance, on a beaucoup de mal à les quitter!!
Pourquoi choisir deux toiles comme cela arbitrairement alors que la retrospective présentée actuellement au Grand Palais à Paris compte 238 tableaux, gravures, sculptures et dessins? celles-là, montrent la jeunesse de cet artiste avec d'immenses découvertes et la maturité, la plénitude de Braque, peintre unique, qui a grandi autrement à l'ombre de ce grand arbre que fût Picasso son compagnon du cubisme, avec beaucoup d'intelligence et de cohérence. Je suis si admirative devant cette esthétique si maîtrisée, qu'elle restera un modèle pour moi .
Comme vous le savez, tous les deux: Picasso et Braque ont fait voler en éclats la perspective traditionnelle héritée de la Renaissance. Depuis toujours une question se posait aux peintres: Comment représenter la réalité?, franchissant une nouvelle étape, ces deux artistes vont remettre en question la façon habituelle de la représenter. Un objet ou un spectacle possédant un volume ou du relief, c'est à dire en trois dimensions. Braque et Picasso vont ensemble créer une nouvelle façon de les représenter mais aussi peindre l'espace non pas tel qu'on le voit mais tel qu'on le sait. Braque raconte ainsi son travail avec Picasso, on est en 1905:" on s'est dit des choses qui seraient incompréhensibles mais qui nous ont donné tant de forces comme la cordée en montagne". Dans la période pré- cubiste, Braque, influencé totalement par le travail de Cézanne son maître montre ses recherches en volumétrie. En supprimant la perspective italienne, une notion nouvelle peut s'exprimer: celle de l'espace plein. Braque dit" dans dans la nature, il y a cet espace tactile, je dirais presque manuel"
.La perspective devient montante suggérée par des plans et des volumes qui s'organisent de bas vers le haut sans l'aide d'artifices, celui de la lumière en particulier, celle-ci devient neutre permettant une dissociation analytique des objets. Picasso et Braque se complètent et travaillent dans le même sens. Picasso plus lyrique, choisit des tons chauds(jaune et bruns), Braque préférant les tons froids et discrets( verts ocres et gris), ceci jusqu'en 1911. La couleur, Braque l'avait mise de côté si l'on peut dire depuis sa période fauve" il fallait bien créer un espace avant de le meubler", il y reviendra et finement, la deuxième toile le montre, tout en restant cubiste jusqu'au bout, fidèle à ses rencontres, sa quête et sa technique si perfectionniste où "la règle corrige (trop souvent peut-ëtre) l'émotion".
Pendant l'exposition , j'ai pris beaucoup de notes, car voyez-vous je dois bientôt faire une conférence sur l'influence de Cézanne sur la peinture d'Avant-Garde, en effet à partir de lui et du cubisme, la peinture en général va se libérer des rapports avec la réalité visible pour aller vers l'Abstraction.
Je me devais de vous donner mes impressions d'historienne de l'art, dans mon petit coin du languedoc, après la visite de cette immense exposition parisienne, comme il y en a peu.Je suis si contente de l'avoir vue.